A mi-chemin entre Dijon et Dole, Saint-Jean-de-Losne n'a pas comme seul titre de gloire d'être une des plus petites communes de France!... Son patrimoine évoque un passé glorieux et prospère. Des manifestations notamment culturelles s'y déroulent, qui méritent d'être découvertes. Il ne suffit pas d'y passer en bateau ou en vélo, il faut s'y arrêter...

lundi 18 janvier 2021

Fin de la terrible année

     

 

  Au moment de sortir de l’année 2020, et de souhaiter à tous une bonne et heureuse année 2021, jetons encore un regard sur la terrible année 1709, et quelles ont été les mesures adoptées par certains pour sortir de la crise.
Jacques Declume du couvent des Carmes de Saint-Jean-de-Losne a donné force détails sur l’épidémie qui a décimé la population : http://saint-jean-de-losnetourisme.blogspot.com/2020/11/une-terrible-epidemie-en-bourgogne.html

De son côté, le secrétaire du chapitre de la collégiale Notre-Dame de Beaune (Blaise Dutu) a inséré dans le registre des délibérations du chapitre (AD21, G2545) un long mémoire où il explique comment la ville de Beaune s’est organisée pour résister à la disette.(Ce texte est transcrit dans l’inventaire de la série G des archives départementales de la côte d’Or  https://archinoe.fr/console/ir_ead_visu.php?PHPSID=cccf4e0cf9215df6068251a1c11088c9&ir=26597#

On en trouvera aussi la transcription par le lien ci-dessous 

 BEAUNE 1709


AD21, G2545, p.168

Dans la première partie (5 mai 1709), il expose les causes de la crise en remontant aux années précédentes. Il évoque « les chaleurs de l’été de 1707 si excessives qu’elles tuoient les ouvriers en la campagne » (déjà le "réchauffement climatique" ?) et raconte le « terrible hiver » qui a sévi de janvier à mars 1709, terminé par la débâcle à partir du 22 février, « qui en peu de temps fit fondre les neiges dégela les rivières et les enfla de furie que partie des ponts de la Saône et du Rosne furent entrainés par des montagnes de glace que les eaux charroient avec rapidité ». Il dénonce les achats excessifs des marchands de Lyon qui ont fait sortir de Bourgogne en 1708 « plus [de] huit cent mille bichets de bled [Environ 4800 tonnes !] ».

Le 31 décembre 1709, il expose les mesures prises dans la ville de Beaune, et il se félicite de leur efficacité affirmant qu’elles ont maintenu dans la ville « une petite abondance », il constate aussi que si à Macon, source de l’épidémie, elle 

a fait 1200 morts et à Chalon-sur-Saône 2000, il n’y a eu à Beaune que 300 victimes. Un satisfecit qui conclut ce rapport sur cette année qui fut « l’année de la colère de Dieu » 

Ces mesures peuvent se résumer ainsi :

- Anticipation : dès le début de la crise un comité opérationnel est créé qui organise des approvisionnements d’urgence effectués dans les villages alentour (par des méthodes d’ailleurs assez discutables…)

- Secours aux pauvres : ils sont exactement recensés et répartis en 4 classes :« La première des vieux, la 2e des infirmes, la 3e des mendiants valides et des enfants en état de travailler et la 4e des enfants en bas âge »

Les deux premières catégories sont hébergées chez des bourgeois aisés qui devront assurer leur subsistance, des soupes populaires quotidiennes sont organisées pour la 3e catégorie, et des distributions de bouillies pour les mères allaitantes.

- Mesures de police strictes, avec une milice bourgeoise qui garde les 4 portes de la ville, fouille les entrants et les sortants, et effectue des rondes dans la ville et les faubourgs.

- Étroite surveillance et gestion rigoureuse des « greniers d’abondance ». Après recensement des ressources et des besoins de chaque famille, distribution de quantités adaptées de blé et de farine à chacune.

- Financement d’une partie du prix des achats de blés par les communautés religieuse et les habitants les plus riches pour diminuer le prix payé par les familles de la ville.

Beaune et ses faubourgs (atlas des routes, AD21)

En lisant ce texte, on ne peut s’empêcher de se poser quelques questions:

- Sans douter de la sincérité de Blaise Dutu, on peut s’interroger sur la réelle acceptation spontanée et unanime  de cet état d’urgence par tous les habitants de Beaune.

 - on peut aussi se demander quelles ont été les conséquences de cette organisation de la ville sur la population des « paisans » de la campagne avoisinante, dépouillés de leurs provisions et impitoyablement pourchassés dès qu’ils tentaient de s’approcher de la ville et de ses faubourgs ….

 

Bibliographie :

François Delessard, « La crise de 1709-1710 en Bourgogne : les autorités provinciales et la remise des terres en culture », Annales de Bourgogne : revue historique trimestrielle publiée sous le patronage de l'Université de Dijon et de l'Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon, Tome XXIX n°114, avril-juin 1957, p 81-112. 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3205397z/f5.item.r=beaune%201709

Yvette Darcy-Bertuletti, Tableau des mesures les plus courantes en usage dans le pays beaunois. http://www.beaune.fr/IMG/pdf/Metrologie.pdf

 

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