A mi-chemin entre Dijon et Dole, Saint-Jean-de-Losne n'a pas comme seul titre de gloire d'être une des plus petites communes de France!... Son patrimoine évoque un passé glorieux et prospère. Des manifestations notamment culturelles s'y déroulent, qui méritent d'être découvertes. Il ne suffit pas d'y passer en bateau ou en vélo, il faut s'y arrêter...

samedi 22 octobre 2011

Saint Jean de Losne et Le monument de la Délibération

Ce monument commémore la « Belle Défense » de Saint-Jean-de-Losne fin octobre 1636. Les troupes du général Gallas, venues au début de l’été au secours des dolois assiégés par l’armée de Louis XIII, se sont répandues dans la campagne après la levée du siège de Dole. Après avoir porté la désolation un peu plus au nord, elles ne parviennent pas à s’emparer de Saint-Jean-de-Losne, petite place forte française vaillamment défendue par ses habitants, et finalement délivrée par leur courageuse défense, aidée par la montée des eaux de la Saône et l’intervention du colonel Rantzau à la tête des troupes françaises.
L’idée de construire un monument pour commémorer cet épisode héroïque est venue quelques années après la célébration du premier centenaire de la « Belle Défense ». La construction du pont sur la Saône (1835-1838), et la surélévation des rues avoisinantes autour de l’église pour en permettre l’accès, ont alors donné à ce quartier de la ville l’aspect que nous lui connaissons, en créant notamment la place de la Délibération à l’endroit même où selon la tradition, les habitants rassemblés ont délibéré et décidé le 2 novembre 1636 de mourir plutôt que de se rendre.
La pompe monumentale de 1850 : comment associer la commémoration et le confort moderne !
Au début de 1850, le conseil municipal de Saint-Jean-de-Losne décide de moderniser l’alimentation en eau : 11 puits à usage public répartis dans la ville seront munis de pompes à balancier ou à manivelle rotative permettant de puiser l’eau en toute hygiène et sécurité et à moindre effort. L’architecte-voyer de la ville François-Xavier Toulot présente le 26 mars 1850 un projet dans lequel la pompe placée au centre de la place de la Délibération sera contenue dans un monument dédié aux héros de 1636. Leurs noms seront gravés sur la construction en pierre surmontée d’un dôme qui doit en abriter le mécanisme :
Le 30 juin, la construction des pompes est confiée à François Malterre, entrepreneur à Saint-Jean-de-Losne, associé à Germain Lenevaitre mécanicien à Dole. Le 8 août 1850, la première pierre de ce monument est posée par le maire Jean Berthaut entouré de ses adjoints et conseillers municipaux.
Un des conseillers, ami de François Rude, s’adresse au célèbre sculpteur pour l’éventuelle réalisation d’une statue destinée à orner le monument. Rude s’empresse de répondre que si les finances de la ville le permettent et « s’il était possible de faire un groupe au lieu d’une seule figure, la chose serait infiniment mieux, votre ville représentée par une jeune vierge protégée par un mâle guerrier dans le costume moitié militaire moitié civil de cette époque pourrait expliquer parfaitement le sujet » … Le conseil municipal, flatté, lance une souscription, qui ne rapporte pas beaucoup d’argent, et, le patriotisme et le désintéressement du sculpteur ayant des limites, c’est sans autre ornement que les inscriptions prévues, que la pompe de la place de la Délibération rappellera la mémoire du siège de 1636. Si l’édifice dessiné par Toulot, qui restera en place jusqu’à la construction du monument actuel, a fière allure dans sa simplicité, le mécanisme de la pompe devra être remplacé dès 1875.
Le monument de 1891 :
Après ce premier essai, la célébration de la Gallas de 1886 relance l’idée d’un « vrai » monument. La proposition du maire Emile Petitjean, approuvée par le conseil municipal le 11 décembre 1886, conduit en quelques années à la réalisation du monument actuel installé au centre de la place de la Délibération.
le projet établi par l’architecte Félix Vionnois, est présenté au conseil municipal le 11 novembre 1890
« le monument se compose :
1° D’un soubassement quadrangulaire percé de créneaux, supportant un canon en pierre à chacun de ses angles, 2° d’un piédestal carré dont deux faces portent des bas-reliefs en bronze et les deux autres des tables en marbre blanc, avec inscriptions, 3° d’une colonne tronconique en porphyre 4° et de la vue perspective d’une ville fortifiée couronnant le tout ».
La construction est confiée par adjudication à l’entreprise Desgranges.
Les bas reliefs devaient être exécutés par « Monsieur Guillaume, membre de l’institut ». Il s’agit de Jean-Baptiste Claude Eugène Guillaume, (Montbard 1822 – † Rome 1905) dont plusieurs œuvre se trouvent à Paris au musée d’Orsay. Mais c’est finalement Mathurin Moreau (Dijon 18 novembre 1822- † Paris 14 février 1912), fils du sculpteur dijonnais Jean-Baptiste Moreau (Dijon 1797- † 1855), qui est préféré pour réaliser ces deux bas-reliefs en bronze ornant les faces du soubassement, représentant du côté de la Saône : la délibération, et du côté de l’église : les combats sur les remparts. Félix Vionnois et Mathurin Moreau ont travaillé ensemble pour le monument de la place du 30 octobre à Dijon (1874), le monument du lycée Carnot à Dijon et le monument commémoratif érigé à Nuits-Saint-Georges à la mémoire de Félix Tisserand.
La colonne centrale du monument prévue en « porphyre rouge » doit être réalisée en pierre de Sampans, elle est finalement en pierre blanche comme le reste du monument.
Le motif formant le couronnement au sommet, réalisé par le sculpteur dijonnais Jules Schanosky a donné lieu à de nombreuses discussions entre les partisans de la représentation de la ville avec son église, et ceux qui, traitant ce projet de clérical, ont préféré l’image générale d’une ville fortifiée.
Les frais de la construction (15000 Francs de l’époque) ont été couverts par de nombreux donateurs qui ont participé à la souscription pour plus de la moitié du coût total. La ville et le département ont participé chacun pour 1000 Francs, et l’état pour 5000 Francs.
La vue générale présentée ici a été prise par Jules Mazillier, photographe à Dijon, juste avant l’inauguration (13 octobre 1891).



Elle montre le monument, comme on ne le voit plus aujourd’hui, entouré d’une grille circulaire (les canons ne viendront qu’en 1902) au milieu de la place complètement dégagée : seuls quelques tables et bancs devant le café du commerce, viennent un peu empiéter sur l’espace au fond. Dans cette présentation, le monument et la place de la Délibération se mettent mutuellement en valeur comme l’avaient voulu les auteurs du projet en exigeant l’abattage des arbres : l’exiguïté réelle de la place est effacée par l’organisation de l’espace autour du monument « aux défenseurs de Saint-Jean-de-Losne 25 octobre 3 novembre 1636 », auquel ont collaboré plusieurs des meilleurs artistes travaillant alors en Bourgogne : Felix Vionnois, Mathurin Moreau et Jules Schanosky.
Le 2 novembre 2011 sera le 375e anniversaire de la célèbre délibération des Echevins de Saint Jean de Losne en 1636, et la prochaine fête de la Gallas aura lieu dans 25 ans, en novembre 2036...
Pierre Marie Guéritey
© Photos Pierre Marie Guéritey

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